Le manifeste
LE BILLET POÈME 1993-1997
MANIFESTE POUR UNE NOUVELLE APPROCHE
ÉDITORIALEDE LA POÉSIE.
« Ainsi appris-je, triste, le résignement,
Aucune chose ne soit, là où le mot faillit. »
Stefan George – poète allemand (1868-1933)
L’homme est prêt pour la poésie. Il n’a peut-être jamais eu autant besoin d’elle et de la force du mot.
Elle est une source de connaissance dense et riche.
Avec la poésie, l’homme peut embrasser le mouvement de sa vie.
C’est parce qu’il faut amener vers l’homme cette source féconde que je propose le Billet poème.
Car s’il faut attendre que l’homme se rende à cette source,
trop de diversions l’auront écarté du chemin et peu feront le voyage.Le Billet poème est une question, un temps d’arrêt,
un moment de recul, une balise sur un chemin personnel,
un moyen de se rapprocher du mot, de sa vérité, de la vérité de notre existence,
de son interrogation, de son pouvoir évocateur et du mystère du don.N. Lebeau.
Préambule.
Dans l’accès pour tous à la culture, à la connaissance, et particulièrement dans le domaine de l’écrit, la poésie occupe une place très peu visible.
La tradition poétique, encore tenace dans de nombreuses cultures, prend parfois la forme d’une véritable tradition orale, les générations transmettant la richesse du verbe par le récit des poèmes lors des veillées et des fêtes.
La France compte un patrimoine particulièrement riche et divers dans ce domaine, qui s’étend sur plus de mille ans d’écriture.
La création poétique contemporaine en langue française, bien réelle, a bien du mal à rencontrer ses publics. Pourtant , le
Marché de la Poésie créé en 1983 est bien devenu le rendez-vous annuel pour 60.000 visiteurs, qui se retrouvent pour fêter la poésie sur la place Saint-Sulpice à Paris. Et ils ne sont que la partie visible d’une potentialité sensiblement plus forte.
Alors, pourquoi le poème a-t-il tant de mal à vivre dans l’édition traditionnelle ?
La question m’a amené à me pencher sur le poème lui-même.
Je me suis aperçu qu’il donne tant à rayonner que sa lecture rend difficile le passage, dans le recueil, d’un poème au poème suivant sans marquer une pause.
Le poète lui-même n’a-t-il pas après avoir enflammé le mot marqué une pause avant de passer au poème suivant ? Le poète n’écrit-il pas un poème avant d’écrire un recueil ? L’idée même du recueil , reliant les uns aux autres des poèmes d’une époque ou autour d’un thème récurrent, est étrangère au poème lui-même. C’est un arrangement a posteriori, pour trouver une voie éditoriale et mettre en forme une oeuvre littéraire.
L’idée du Billet poème m’est donc venue de cette réflexion.
Le Billet poème va pouvoir rendre au poème sa liberté en le détachant du recueil.
Le poème va reprendre l’autonomie propre à la nature de sa création et de son expérience.
Le Billet poème est une nouvelle création éditoriale dédiée à la poésie, qui doit rendre plus facile l’accès au poème pour le lecteur en allégeant considérablement le «support».
Le Billet poème, en quelques centimètres carrés imprimés recto verso, se doit d’être beau et attachant, à la fois durable et aérien. Il doit pouvoir s’offrir, se passer de main en main, se lire et se relire, s’apprendre, se collectionner, se glisser dans la poche…et pour cela il empruntera au Billet de Banque la qualité inégalée de son papier monnaie. Il sera alors aussi un clin d’œil malicieux , mettant en perspective la valeur des mots versus la valeur de l’argent.
Le Billet poème à la rencontre de ses publics.
Le Billet poème doit être accessible à tous, de l’individu faisant là une trouvaille à l’amateur éclairé en passant par le large public scolaire.
La société actuelle, dont un des traits marquants est une recherche forte de sens sous toutes ses formes, est un creuset prêt à recevoir ce type de démarche.
Son public est aussi divers que le nombre et la qualité de ses prescripteurs. Le billet poème est donc pour cela diffusé aussi bien dans des librairies que dans des lieux publics, lieux de l’attente, transports. Il est là où on s’attend à le trouver et aussi là où on ne l’attend pas. On peut penser à des distributeurs automatiques, mais aussi à des ventes à la criée dans des lieux fortement fréquentés et dans le cadre d’animations spécifiques, sans oublier les écoles, bibliothèques, centres culturels, prisons, maisons de retraites.
Un site internet se trouvera naturellement au cœur de ce réseau, véritable point névralgique qui animera sa diffusion.
La cible est large, tant au niveau de la tranche d’âge que du milieu socio-culturel ou du socio-style ou encore de la « tribu » d’appartenance. Il faut dans ce domaine ne pas se définir d’a priori réducteur.
Par ailleurs, le produit en lui-même suscitera la collection, même s’il n’a pas forcément vocation à être conservé : les timbres ou cartes de téléphone, largement collectionnées, n’avaient pas cette vocation à l’origine.
Le Billet poème comme une réalité culturelle et économique.
Le Billet poème peut exister mais ne peut être l’affaire d’un seul homme. On ne fait rien seul et l’on n’est rien sans les autres. Je remercie vivement les personnes qui auront pris le temps nécessaire pour lire ce manifeste, et avec la même intensité et sincérité, celles qui auront partagé cette passion centrée sur la poésie.
FIN
Note de l’auteur : J’ai relu et amendé légèrement le document d’origine, en retirant notamment des parties qui n’étaient pas pertinentes par rapport à la manière dont le projet a évolué depuis. Mais l’idée était déjà là, posée, et les circonstances de la vie ont voulu que ce soit en 2009, en pleine crise « globale » , que le billet poème voie enfin le jour.